Mieux tailler la vigne grâce à l’intelligence artificielle et la réalité augmentée

L’Idiap et la société 3D2cut SA ont développé un système de reconnaissance des vignes et d’assistance à la taille. La collaboration a également débouché sur une publication scientifique. Ce projet a été soutenu par la fondation pour l’innovation en Valais, The Ark.

Bien tailler une vigne est un processus complexe qui demande des années d'expérience. Une mauvaise taille peut avoir des conséquences catastrophiques pour la santé et la productivité d’un vignoble. Face au manque de main d’œuvre qualifiée, la startup valaisanne 3D2cut SA a sollicité l’Idiap pour développer un système basé sur l’intelligence artificielle et l’intégrer à des lunettes de réalité augmentée. Le dispositif obtenu identifie la structure du pied de vigne, extrait son architecture et grâce à cette information recommande des points de taille. Ce résultat a été rendu possible grâce aux fondateurs de la société, maîtres tailleurs de renommée mondiale, ainsi qu’au soutien de la fondation pour l’innovation en Valais The Ark.

« Jusqu'à 1/5ème des vignes dans le monde ne sont pas productives. L'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV) a identifié les maladies du bois de la souche comme principales responsables de ce problème et une taille correcte comme le moyen de prévention principal », explique Massimo Guidici, co-fondateur de 3D2cut. Pour atteindre ce but, l’IA grâce à la réalité augmentée permet d’indiquer visuellement des recommandations de points de coupe. « Une compréhension approfondie de chaque pied de vigne est nécessaire pour prendre les décisions sur la manière de le tailler », souligne Marco Simonit, maître tailleur et co-fondateur de 3D2cut. Pouvoir suivre les règles établies par les experts de la vigne est donc essentiel.

 

Résultat du système de vision développé par l'Idiap appliqué à l'image d'un pied de vigne. Les ronds localisent les nœuds ou bourgeons de chaque branche, et les lignes rouges représentent la structure prédite du pied de vigne. Les différentes couleurs des nœuds ou autour des branches caractérisent les différents types de branches prédits par le système (tronc, courson, baguette, sarments, etc).

Comment ça marche ?

Le système de vision développé par l'Idiap permet d’identifier la structure de la vigne, c’est à dire de localiser les nœuds et les bourgeons ainsi que les branches et leur type. « Pour y parvenir, nous nous sommes inspirés des technologies utilisées pour détecter la posture d’un humain. Au lieu de prédire dans une image les points clés d’un corps humain comme les articulations – poignet, coude, genou –et leurs connexions par des membres – bras, cuisses, torse –, le dispositif détecte les nœuds de la vigne et les branches qui les relient. Il détermine aussi le type de ces branches : tronc, courson, baguettes, sarments, et de manière générale, toutes les informations utiles sur la vigne comme l’ordre d’apparition des noeuds et des bourgeons sur le courson, qui permettent d’appliquer ensuite un système expert recommandant les coupes », explique Jean-Marc Odobez, responsable du groupe Perception & Activity Understanding de l’Idiap.

Ces détections  de nœud, de branches sont effectuées grâce à un réseau de neurones spécialement conçu pour cette tâche, et entraîné sur des images de vigne minutieusement annotées par des spécialistes. La structure finale du plan est extraite grâce à un nouvel algorithme basé sur la recherche d'un parcours optimal de moindre résistivité entre chaque nœud et le tronc. Cette méthode permet de s’adapter au nombre variable de nœuds et de branches, contrairement à ce qui est utilisé pour l’humain dont la structure est fixe. Ce travail a fait l’objet d’une publication dans le journal Computers & Electronics in Agriculture. Les images et annotations des vignes, créées dans le cadre de ce projet, sont librement accessibles pour toutes applications non commerciales.

Un outil prometteur

Une première version a été intégrée et déployée par 3D2Cut sur une tablette et testée sur des prises de vue réelles. Selon les experts, les résultats sont très encourageants. Néanmoins, afin de proposer une technologie fiable et efficace, de nombreux défis restent à relever. Le système de vision devra s’adapter à différentes conditions : variations de luminosité, grande variété d’arrières plans, dont d'autres pieds de vigne, différents angles de vue. Et surtout, le système devra être capable de traiter l’information très rapidement sur du matériel de moindre capacité calculatoire porté par les tailleurs.

« La coopération avec l'Idiap a été inestimable. Nous avons les connaissances techniques sur la vigne et la capacité de collecter de grandes quantités de données, les chercheurs nous ont apporté l'expertise en IA nécessaire pour parvenir rapidement à une solution », souligne Jérôme Corre, CTO de 3D2cut. Un partenariat avec l’institut qui pourrait s’avérer encore plus fructueux à l’avenir. « Une fois que nous aurons un produit établi pour la vigne, le système pourra être appliqué à d'autres plantes nécessitant une taille, telles que les pommiers, les poiriers, les orangers, voire le cacaoyer et le caféier », suggère Henrico Dolfing, co-fondateur de 3D2cut.

Plus d’informations

- Publication scientifique
- Base de données d’images de vignes et d’annotations utilisée pour entraîner le modèle
- 3D2cut SA